Onco-Gériatrie ou Date Limite de Citoyenneté?
Il est un mystère pour personne que la
population en France, comme dans de nombreux pays occidentaux, vieillit.
Pourtant il semblerait qu’en France (et ce n’est pas le pire des pays pour ça)
être vieux pose pas mal de difficultés lorsqu’il s’agit de se faire soigner
dans un hôpital. Je parle particulièrement de la prise en charge du cancer.
C’est de cela dont je vais parler.
Que se passe-t-il lorsque l’on a plus de 75 ans et que l’on est diagnostiqué avec un
cancer? Je rappelle qu’un homme ou qu’une femme de 75 ans est quelqu'un qui a travaillé toute sa
vie, payé des cotisations sociales dans un esprit de solidarités et de répartition des risques.
Lorsqu’il est malade, il est bien normal qu’il soit pris en charge correctement
puisqu’il est assuré. Pourtant cela
n’est pas si simple. Un patient de plus
de 75 ans qui se présente dans un service hospitalier de cancérologie va être
automatiquement étiquetés « vieux ». Lorsqu’il va falloir choisir un
traitement, le cancérologue aura tendance à à ne pas traiter ou à diminuer les doses des
chimiothérapies du simple fait de la peur que le médicament se révèle pire que
la maladie elle-même. Il est vrai qu’une chimiothérapie tout comme
n’importe quel traitement chimique peut
avoir des effets secondaires qui sont généralement plus présents et plus fort chez
le sujet fragile que l’on confond systématiquement ou presque avec le sujet
âgé. Ainsi le médecin part du principe qu’un patient âgé est systématiquement fragile. Le souci
réside dans le fait que si l’on donne à n’importe quel patient une demie dose
de chimiothérapie le résultat escompté en termes de réponse ou de survie, risque d’être médiocre. L'accès aux nouveaux traitements, les plus modernes, est également problématique. Comme ce sont des traitements coûteux certains hésitent à les prescrire à des personnes âgées. Cela pose un autre problème, celui de l’égalité entre tous les citoyens
français. Être âgé signifierait-il être un peu moins citoyen que n’importe quel
autre patient ? Il est tout à fait sage cependant de réfléchir, lorsque l’on est un
médecin, en termes de bénéfice risque lorsque l’on prescrit un médicament.
Un changement de paradigme en Oncologie :
Pendant très longtemps on a pensé en cancérologie que l'objectif pour tous les patients était la rémission complète et la recherche de la guérison. Nous savons depuis quelques années que ce principe reste vrai chez le patient jeune que l'on doit guérir en utilisant parfois des chimiothérapies très agressive mais qu'il est de plus en plus discuté chez le patient âgé qui, de par sa fragilité, risque de mourir du traitement plutôt que de sa maladie. On parle ironiquement en cancérologie du patient qui meurt "guérit". Il est de plus en plus recommandé de privilégier chez le patient âgé une chimiothérapie bien toléré qui permettra de stabiliser ou de ralentir la maladie sans chercher à tous prix à l'éradiquer. Certains patients peuvent vivre des années avec un cancer même métastatique. Quand un patient à 80 ans, le choix le plus raisonnable et celui qui permettra à ce patient de vivre le plus longtemps dans les meilleures conditions possibles.
Un changement de paradigme en Oncologie :
Pendant très longtemps on a pensé en cancérologie que l'objectif pour tous les patients était la rémission complète et la recherche de la guérison. Nous savons depuis quelques années que ce principe reste vrai chez le patient jeune que l'on doit guérir en utilisant parfois des chimiothérapies très agressive mais qu'il est de plus en plus discuté chez le patient âgé qui, de par sa fragilité, risque de mourir du traitement plutôt que de sa maladie. On parle ironiquement en cancérologie du patient qui meurt "guérit". Il est de plus en plus recommandé de privilégier chez le patient âgé une chimiothérapie bien toléré qui permettra de stabiliser ou de ralentir la maladie sans chercher à tous prix à l'éradiquer. Certains patients peuvent vivre des années avec un cancer même métastatique. Quand un patient à 80 ans, le choix le plus raisonnable et celui qui permettra à ce patient de vivre le plus longtemps dans les meilleures conditions possibles.
La
question qu’il faut se poser en priorité est la suivante : « le
patient que je suis en train de traiter est-il fragile ou non et à quel degré? »
Pour cela l’œil du maquignon ne suffit pas. Il ne suffit pas d’avoir une bonne
intuition ou des années d'expérience pour savoir si un patient est plutôt en bonne santé ou en mauvaise
santé.
Vers l'efficience médicale :
Tout le travail du médecin et donc d’évaluer son patient. Évaluer son
patient cela veut dire regarder son état de santé générale, son état de vie
sociale, son psychisme. Il existe aujourd’hui de nombreuses échelles qui
permettent de mesurer l’état nutritionnel, l’autonomie ou la dépendance, le
nombre de maladies présentes, etc. ces échelles permettent aux médecins de
prendre la bonne décision sur quel traitement envisager pour quel résultat? Cette science de l’évaluation des
patients âgés afin de voir quel
traitement anticancéreux sera le plus adapté
s’appelle L’Onco-Gériatrie. Il s’agit du mariage entre l’oncologie
(médecine anticancéreuse) et la gériatrie (médecine du grand âge). Cette nouvelle discipline est née il y a 20 ans aux Etats-Unis à Tampa en Floride. Celui qui en a posé les base est le Dr Lodovico Balducci. Cette discipline est en train de s'organiser en France à travers d'Unités de Coordination en Onco-Gériatrie (UCOG). Il en existe 15 en France.
Il est toutefois encore difficile de faire travailler des oncologues avec des gériatres. La médecine en France et saucissonnée, divisée. Il est souvent difficile de développer l’interdisciplinarité ou la transdisciplinarité. Chaque spécialité médicale étant persuadée d’être bien au-dessus des autres pour avoir à recevoir un quelconque avis de la part d’un confrère étranger à la spécialité. Pourtant il va falloir s'habituer à travailler ainsi de plus en plus étant donnés le contexte économique qui est annoncé pour les années à venir et étant donné également la démographie qui va ne faire qu’aggraver la complexité et le coût des prises en charge des patients âgés et/ou fragile.
Il est toutefois encore difficile de faire travailler des oncologues avec des gériatres. La médecine en France et saucissonnée, divisée. Il est souvent difficile de développer l’interdisciplinarité ou la transdisciplinarité. Chaque spécialité médicale étant persuadée d’être bien au-dessus des autres pour avoir à recevoir un quelconque avis de la part d’un confrère étranger à la spécialité. Pourtant il va falloir s'habituer à travailler ainsi de plus en plus étant donnés le contexte économique qui est annoncé pour les années à venir et étant donné également la démographie qui va ne faire qu’aggraver la complexité et le coût des prises en charge des patients âgés et/ou fragile.
Comme
vous avez parfaitement compris l’âge ne fait rien à l’affaire même s’il reste
un indicateur pertinent. Un homme de 50 ans peut-être en bien plus mauvaise
santé générale qu’un homme de 80 ans. Il y a des personnes de 80 ans qui
aujourd’hui font du vélo à un très bon niveau et pourraient donner des
complexes à des trentenaires non
sportifs. Cela n’est pas nouveau, il y a bien longtemps que l’on sait que l’âge
n’est pas un critère suffisant pour
juger de l’état de santé d’une personne. Nous connaissons tous l’adage
populaire qui dit que nous avons l’âge de nos artères. On ne saurait mieux
dire.
Nous
allons dans les années qui viennent vers une meilleure gestion des coûts de
santé et donc aussi vers une rationalisation des prises en charge. Il va y
avoir une chasse au gaspillage et aux attitudes
médicales irresponsables, coûteuses et infondées. La prise en charge
d’une maladie chronique coûte extrêmement cher et si nous voulons garder notre
système par répartition qui s’avère être le système le plus juste il faudra
faire tous un effort de civisme y compris les médecins.
Certains
médicaments anticancéreux coûtent une petite fortune et pourtant c’est loin
d’être un luxe lorsque l’on est atteint par une maladie aussi grave que le
cancer. Pour que nous puissions tous continuer à être assurés contre la maladie
et donc à ne pas payer personnellement le coût de sa santé, il faudra faire un
certain nombre d’efforts.
Le
premier des efforts sera de veiller qu’un médicament anticancéreux onéreux ne
soit pas prescrit chez un patient qui n’a pas le métabolisme ou une survie
suffisante lui permettant de tirer bénéfice de ce médicament. En effet
certains malades dont le pronostic vital est en jeu à court terme ne peuvent
pas tirer bénéfice d’un médicament ou
d’une pratique médicale du fait de leur très grande fragilité. Il ne faudrait pas non plus que les médicaments onéreux soient distribués à la tête du client,
il faudra mettre en place obligatoirement des évaluations sérieuses, validées
scientifiquement, afin de trouver la façon la plus juste et la plus rationnelle
de prendre en charge les patients qui tireront le maximum de bénéfices de ces
médicaments coûteux.
Il
est évident qu’il faudra donner des moyens supplémentaires à la gériatrie et à la gérontologie et
surtout les revaloriser auprès des autres spécialités médicales qui la voient
comme une médecine du passage. Le gériatre n’est pas là que pour accompagner
son patient jusqu’à la mort. Il peut donner de très bons conseils aux
confrères, aux familles, aux
patients de plus de 75 ans afin de vivre
mieux les années qui restent à vivre. Il faut avoir en tête qu’un homme de 70
ans en bonne santé a devant lui encore 18 ans à vivre. La question que devra se
poser tout médecin face un patient de 70 ans touchés par une maladie grave
n’est pas combien d’années je peux le maintenir en vie mais combien
d’années vais-je le priver de vie si je
ne prends pas la bonne décision ?
Je rappelle que la gérontologie est la discipline qui étudie le vieillissement humain. Que le gérontologue, contrairement au gériatre peut ne pas être médecin. C'est mon cas. Il peut être démographe, économiste, sociologue, juriste, etc. Le vieillissement commence dès la naissance, il ne touche pas que le vieillard. Il y a peu j'écoutais un professeur de médecine poser la question : "A quelle âge un patient est-il vieux?". Ce n'est pas une question qui regarde la médecine mais la philosophie et la gérontologie. Il n'y a pas d'âge pour se sentir jeune ou vieux. C'est très subjectif. Je vous invite à lire ou à relire Montaigne, le chapître des essais qui s'appelle "Philosopher c'est apprendre à mourir". Montaigne nous explique qu'au 15eme siècle à quarante ans on était déjà souvent vieux. Il n'y avait à l'époque que très peu de vieillards. On mourrait pour trois fois rien. Le rôle du médecin de de soigner, parfois de guérir son patient en utilisant l'état de l'art de la médecine à quelqu'âge que ce soit.
Je rappelle que la gérontologie est la discipline qui étudie le vieillissement humain. Que le gérontologue, contrairement au gériatre peut ne pas être médecin. C'est mon cas. Il peut être démographe, économiste, sociologue, juriste, etc. Le vieillissement commence dès la naissance, il ne touche pas que le vieillard. Il y a peu j'écoutais un professeur de médecine poser la question : "A quelle âge un patient est-il vieux?". Ce n'est pas une question qui regarde la médecine mais la philosophie et la gérontologie. Il n'y a pas d'âge pour se sentir jeune ou vieux. C'est très subjectif. Je vous invite à lire ou à relire Montaigne, le chapître des essais qui s'appelle "Philosopher c'est apprendre à mourir". Montaigne nous explique qu'au 15eme siècle à quarante ans on était déjà souvent vieux. Il n'y avait à l'époque que très peu de vieillards. On mourrait pour trois fois rien. Le rôle du médecin de de soigner, parfois de guérir son patient en utilisant l'état de l'art de la médecine à quelqu'âge que ce soit.
Il
n’y a pas en république de date limite de citoyenneté. Chaque citoyen doit être traité avec les
mêmes égards, doit bénéficier du même accès aux soins quelques soit la région
géographique où il se trouve sur le territoire. C’est loin d’être le cas aujourd’hui.
Il
n’y a rien de plus odieux que d’opposer les générations et de dire que si on
traite un vieux c’est un jeune qui ne sera pas soigné. Ce n’est pas ainsi que
l’on doit raisonner. Dès lors qu’un citoyen est malade, qu’il soit âgé d'un mois ou de 90
ans, celui-ci doit pouvoir être pris en soins
dans les meilleures conditions par les meilleurs spécialistes. Ceci est du
domaine de l’utopie? Pas si sûr car en France nous devons reconnaître que nous avons une très belle Médecine. C’est précisément parce que la santé est un de nos biens
les plus précieux qu’il faut être exigeants tout en étant responsable à chaque
niveau.
Il
faut donc développer en France l’Oncogériatrie
et la faire accepter aux sceptiques en faisant preuve de pédagogie et de
conviction. Pour cela nous devons avoir de bons gériatres et nous n’en manquons
pas en France car nous avons une école de gérontologie qui n’a jamais été dans
le déni de large ou dans le mythe de l’éternelle jeunesse. Elle connaît
parfaitement la fragilité du patient âgé car la fin de vie est plus
fréquente au grand âge et heureusement. Nous devons également former et
développer du personnel de santé dans l’accompagnement en fin de vie pour que
chaque citoyen puisse terminer ses jours avec le moins de douleurs possibles et
dans la plus grande dignité. Comme disait Paul Valéry "Ce n'est pas parce qu'on a un pied dans la tombe qu'on doit se laisser marcher sur l'autre".
Unités de Coordination de l'Onco-Gériatrie.
Unités de Coordination de l'Onco-Gériatrie.
Espérance de vie après 70 ans
Blanc : Bon état général - Grisé :Etat général moyen - Rouge : Mauvais état général
Lodovico Balducci - Père de l'Onco-gériatrie.
Echanges Pratiques en Onco-Gériatrie à Nantes - 2012
Conseil de lecture : Le Sens des Âges de Pierre-Henri Tavoillot
Disponible en livre Audio sur Itune et sur Audible.fr
http://www.joel-jegouzo.com/article-le-sens-des-ages-pierre-henri-tavoillot-111146186.html
Le tableau semble noir, voire un peu noirci.
RépondreSupprimerLes cancérologues n'ont que peu de données scientifiques chez les plus de 70 ans et donc hésitent à prescrire des traitements hautement dangereux comme la chimiothérapie.
Ma patiente la plus âgée à 105 ans cette année. Difficile de lui donner les mêmes traitements qu'à mes patientes de 50 ans...
Notes optimistes :
l'organisation s'améliore avec la création d'une dizaine de nouvelles UCOG en France en 2013. La recherche avance avec de nombreux essais chez les patients âgés. Le deux diplômes d'Oncogériatrie sont obtenus par plus de 100 professionnels chaque années. Et à cause de tout cela (organisation, recherche enseignement), les soins s'améliorent et s'adaptent à chaque situation de patients.
D'autres frein sont à lever : ceux des familles, des patients eux-mêmes et de Professionnels de ville.
un oncologue/oncogériatre
Merci Nicolas de ton commentaire. Cet article ne s'adresse pas vraiment aux Oncogériatres qui, je sais, sont déjà convaincus... Ta patiente de 105 est justement l'exemple à ne pas citer...Il ne s'agit pas de faire des prouesses médicamenteuses mais de traiter chaque citoyen français sur un pied d'égalité de la naissance à la mort. Toute la difficulté réside dans l'évaluation de l'état de santé globale du patient...Un patient de 40 ans peut justifier encore moins une chimothérapie que ta patiente de 105 ans...s'il est dans un état physiologique pire que ta centenaire. En ce qui concerne les freins, les plus importants viennent de la médecine hyper-spécialisée elle même qui n'accepte pas de recevoir l'avis du gériatre qui est considéré souvent comme le moins doué des médecins qui n'a pas pu faire autre chose que geriatrie, la médecine de la fin de la vie, c'est à dire la médecine de l'accompagnement et pas de la guérison dans un monde où la volonté de puissance est le maître mot. La mort est alors vécu par nombre de médecins comme un échec personnel. La gériatrie est la médecine où l'on meurt le plus...Il faut communiquer mieux sur ce qu'est la gériatrie. Une médecine de l'accompagnement dans le plus noble des sens....une médecine qui permet de vivre les dernières années de la vie dans la dignité et le respect des âges. Un vieux est un homme qui n'est pas mort jeune. ce n'est pas un "perdant" mais un "gagnant"...Merci Nicolas de participer au développement de cette spécialité...;-)
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