La Perception de l'Impôt en France


« Faire le bien n’est pas seulement moral, c’est aussi une nécessité politique et sociale du "vivre ensemble". »

Cette idée, que j’exprimais déjà en 2012, trouve aujourd’hui un écho éclatant dans l’élan de générosité des grandes fortunes françaises accourues au chevet de Notre-Dame.

"Depuis quelques décennies nous voyons la réussite individuelle mise en avant comme moteur de la société. Les journaux économiques publient régulièrement les top 100 des familles les plus riches, des entreprises les plus performantes, etc. Le curseur de la performance est placé sur l'individu et sur l'accumulation des richesses. Il s'agit pour moi d'une erreur fondamentale de nos sociétés. En vérité ce système génère des jalousies et des haines qui fragilisent notre société. Cela oppose ceux qui "réussissent" matériellement et ceux qui échouent. Cela créé une compétition du "toujours plus" qui entrainent les sociétés et les individus vers encore plus d'égoïsme et de repli sur soi"

En quelques heures, des centaines de millions d’euros furent promis pour restaurer ce joyau de notre patrimoine, symbole universel de transcendance et de beauté. Cette mobilisation spontanée a soulevé l’enthousiasme... et, hélas, aussi une vague de suspicion et de sarcasme. Comme si la richesse, même orientée vers le bien commun, restait suspecte en soi.

L’impôt, dans sa forme actuelle, n’est plus "perçu" — et j’emploie ici ce mot à dessein — comme un acte de solidarité, mais comme une punition. Une ponction opaque, obligatoire, désincarnée. Une “perte sèche” pour les uns, un “droit au reproche” pour les autres.

Or, il est temps de renverser cette perception stérile. Il faut rendre à l’impôt ses lettres de noblesse. Il faut que celui ou celle qui contribue à hauteur de plus de 10.000 euros par an soit publiquement reconnu comme un bienfaiteur de la République, à l’instar des grands donateurs de la Renaissance qui finançaient cathédrales, hôpitaux et écoles. N’y aurait-il pas là une forme de justice symbolique à restaurer ?

Je plaide donc, avec une conviction renouvelée, pour la création d’un Sénat des 100 plus grands contributeurs fiscaux. Non pas une assemblée de privilèges, mais une instance morale, garante du bon usage des deniers publics. Une élite fiscale choisie non par le suffrage mais par la générosité, se battant — oui, littéralement — pour avoir le droit d’en faire partie. Car enfin, qu’est-ce qui pousse les hommes à se dépasser, sinon le désir de reconnaissance ?

Il est urgent que la République distingue ses héros fiscaux avec le même faste qu’elle célèbre ses champions sportifs.

Une Médaille de la Solidarité — bronze, argent, or — pourrait être instituée. Les plus méritants seraient faits Chevaliers, Grands Chevaliers, Grands-Croix de la Fraternité Républicaine. Des écoles, des piscines, des crèches, des hôpitaux porteraient leur nom. Une statue d’un footballeur au fronton d’un hôpital qu’il a permis d’ériger n’est pas une absurdité : c’est un acte de pédagogie civique. Cela dit au passant : « Voilà ce que la richesse peut produire de beau, de juste, de bon. »

Car les riches n’ont pas volé leur argent, en tout cas pas plus que ceux qui, parfois, abusent sans vergogne de la générosité nationale. L’opposition stérile entre riches et pauvres est un poison social. Il ne suffit pas d’être pauvre pour être honnête, chantait Daniel Balavoine avec cette lucidité rageuse qui manque cruellement à notre époque de ressentiment.

Je propose donc une bourse de la générosité. Un classement, non plus des fortunes les plus grandes, mais des fortunes les plus utiles. Le journal Les Échos publierait chaque année le Top 100 des donateurs les plus solidaires. Une compétition de l’amour du bien commun remplacerait celle de l’accumulation stérile.

"L’orgueil isole", disais-je, "il ne rend jamais heureux." La générosité, elle, unit.

Nous devons réenchanter notre rapport à la modernité. Non pas la croissance pour elle-même — cette croissance cancéreuse décrite avec tant de justesse par Michel Serres dans Le Contrat Naturel — mais la croissance du bien, du juste, du beau. Une croissance orientée vers le bonheur et la dignité.

Il nous faut sortir de cette ère de la “raison instrumentale” (Heidegger l’avait diagnostiquée à travers Nietzsche et la technique), où l’outil est devenu maître de la finalité. L’argent n’est pas un but, c’est un moyen. Et le seul but qui vaille, c’est le progrès humain.

Le nihilisme ambiant — cette fatigue de croire en quelque chose de plus grand que soi — ne se combat pas par des slogans, mais par des actes. Par une politique du cœur. Par une économie de la reconnaissance. Il ne s’agit pas d’écraser les riches, mais de leur tendre la main et de leur dire : “Montrez-nous ce que vous pouvez faire de plus grand avec votre réussite.” Et ils viendront. Ils le font déjà.

Ce que j’écrivais sous la présidence Hollande, je suis prêt à le redire aujourd’hui à Emmanuel Macron. Non pas pour flatter les puissants, mais pour leur tendre un miroir. Un miroir qui ne reflète pas la vanité, mais la fraternité.

L’avenir de notre République dépend peut-être d’une chose aussi simple — et aussi oubliée — que cela : redonner de la beauté au mot “impôt”.

Didier Buffet

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