mercredi 3 septembre 2014

La "Vérité" existe t'elle en médecine?


Il paraît essentiel de prendre un moment pour aborder la question de la vérité dans le domaine médical. La notion de vérité est d'abord philosophique, nécessitant un examen préalable avant de l'appliquer à la médecine.

La vérité existe-t-elle en soi ? Si je devais la définir, je dirais qu'une chose peut être vraie ici et maintenant, mais cette vérité peut ne plus l'être par la suite. Il n'existe pas de vérité éternelle ; tout est question d'interprétation, de normes et de perception dans un monde fini.

Cependant, certaines vérités semblent immuables. Par exemple, il est vrai que nous mourrons tous un jour et que la nuit succède au jour. Pourtant, qui sait si demain quelqu'un ne viendra pas contester ces vérités ? Peut-être que la science rendra certains immortels ou que l'homme vivra dans des environnements sans cycle jour/nuit ? Ainsi, comme l'épistémologue Karl Popper l'affirme, il existe une asymétrie entre le vrai et le faux. Il est plus aisé de dire ce qu'une chose n'est pas que de définir ce qu'elle est. Difficile de décrire exhaustivement ce qui est bien, alors qu'il est simple de désigner ce qui est mal.

Avec ce préambule, revenons à la question de la vérité en médecine. Peut-on demander à un médecin de dire la vérité à un patient sur sa maladie ? Même le médecin le plus expérimenté reste un être humain. Il ne peut s'exprimer qu'à partir de l'état actuel d'un patient, ici et maintenant. Il a certes accès à des statistiques, mais ce qui est vrai pour une cohorte de malades ne l'est pas nécessairement pour un individu. Par exemple, les médianes de survie associées à certains cancers signifient qu'un groupe de 100 patients verra 50 d'entre eux vivre jusqu'à cette médiane ; pour les autres, certains vivront plus longtemps, d'autres moins.

Imaginez donc la difficulté d'un médecin à parler à un patient de son espérance de vie. Ce qui est valable pour un groupe ne l'est pas toujours pour un individu, unique et sensible. Un médecin ne peut prédire combien de temps il reste à vivre à quelqu'un, ni affirmer qu'il survivra lui-même à son patient. La mort est imprévisible et appelle à l'humilité.

En revanche, un médecin peut indiquer si le pronostic vital est engagé, si la maladie est curable ou non et si le patient est en état d'entendre cette "vérité". Il peut dire que la maladie est grave et que les traitements actuels ne permettent pas une guérison, mais il n'est pas là pour décourager en annonçant une fin dont personne ne connaît la date précise. Son rôle est d'accompagner le patient, de prolonger la vie autant que possible et d'améliorer ses conditions.

Lorsqu'un patient demande la vérité, le médecin se doit de dire ce qu'il sait, dans les limites des connaissances scientifiques. Il ne peut répondre à des questions telles que "quand vais-je mourir ?", mais doit donner les informations nécessaires pour éclairer les décisions thérapeutiques, selon le principe du consentement éclairé.

La médecine est à la fois une science et un art. De nombreux médecins que j'ai rencontrés ne sont pas des "scientifiques" au sens strict ; ils ont leurs croyances, leur sensibilité, et ne sortent jamais indemnes des annonces de diagnostics graves. Ils doivent annoncer à un patient qu'il va passer d'un monde d'insouciance à celui de la maladie, ce qui peut être une véritable apocalypse pour lui.

Ne croyez pas que les médecins soient formés pour ces annonces sans en subir les conséquences. Même avec une formation, ils ne sont pas protégés des traumatismes qu'entraîne le fait de révéler une telle réalité à quelqu'un.

Ainsi, la prochaine fois que vous consultez un médecin, ne lui demandez pas "la" vérité. Demandez-lui tout ce qu'il sait et ce qu'il peut faire pour maximiser votre vie et votre confort. Grâce à la loi Léonetti, il est inadmissible de laisser un patient mourir dans la souffrance. Personnellement, je m'oppose à l'euthanasie, car cette loi a permis de grands progrès pour garantir une fin de vie sans douleur.

Nous avons en France la chance d'avoir des médecins parmi les meilleurs du monde. Si vous avez un doute, consultez un spécialiste ou demandez un deuxième avis, comme le prévoit le plan cancer. En France, notre système de santé reste accessible à tous, quelles que soient nos origines ou notre situation financière.

La principale difficulté aujourd'hui est de maintenir les ressources nécessaires pour que médecins et infirmiers continuent leur travail.

Je termine en rendant hommage à ceux qui pratiquent la médecine, qu'ils soient dans le public ou le privé, car c'est l'un des lieux où l'amour se manifeste le plus.



1 commentaire:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer

Merci de me laisser un commentaire. J'écris pour penser. Vos avis me nourrissent. Ne soyez pas désobligeant c'est tout ce que je demande.

  Aujourd'hui, j'ai l'immense plaisir de vous annoncer la création d'un nouveau terme qui, je l'espère, marquera un tour...